Depuis le séisme dévastateur qui a secoué Haïti samedi 14 août, la plate-forme d’intervention régionale en Amériques et aux Caraïbes (PIRAC) de la Croix-Rouge française est sur le pont aux côtés de la Croix-Rouge haïtienne pour répondre aux besoins des victimes. Pour mieux appréhender la situation et comprendre la réalité du terrain, nous avons interrogé Sendy Veerabadren, Chef de délégation de la PIRAC. Interview.
QUELS SONT LES BESOINS PRIORITAIRES DE LA POPULATION APRÈS UNE TELLE CATASTROPHE ?
Le séisme a affecté une large portion de la péninsule Sud-Ouest d’Haïti. Le bilan humain, encore provisoire, est très lourd avec plus de 2000 morts, des milliers de blessés et un demi-million de personnes plongées dans une grande vulnérabilité. Les destructions sont massives, aussi bien sur les infrastructures publiques, hôpitaux, écoles, routes, que sur les habitations. Près de 150 000 maisons sont détruites ou endommagées. Les populations de ces régions manquent de tout : soins de santé, nourriture, accès à l’eau et à l’hygiène, biens de première nécessité comme des couvertures ou des moustiquaires, des bâches pour s’abriter des pluies qui tombent abondamment, apportées notamment par une dépression tropicale qui vient de traverser les zones impactées et qui a précarisé encore davantage les conditions de vie très dures des personnes sinistrées.
QUELLES ACTIONS LA CROIX-ROUGE MET-ELLE EN PLACE POUR PORTER ASSISTANCE AUX POPULATIONS SINISTRÉES ?
Dès la survenue du séisme, la Croix-Rouge française s’est mobilisée pour répondre à la catastrophe. Sur place, une équipe légère de la PIRAC pré-positionnée a porté main forte à la Croix-Rouge haïtienne qui mène au travers de ses volontaires les premières actions de sauvetage et de secours. En ce moment même une frégate de la marine française, le Germinal, fait route vers Haïti avec à son bord 15 tonnes de biens de première nécessité déployés par la PIRAC depuis les Antilles, comprenant notamment des kits abris, des kits nettoyage, des kits cuisine, des bâches, des moustiquaires ou encore des jerrycans souples pour permettre aux familles de conserver de l’eau.
Les premières équipes de réponse aux urgences internationales de la Croix-Rouge française sont envoyées avec des spécialistes en logistique humanitaire ou en distribution d’urgence.
Cette phase d’urgence sera suivie d’une phase de reconstruction dans laquelle la Croix-Rouge française s’inscrira pleinement. Il s’agira d’accompagner les populations les plus vulnérables à retrouver une vie normale, du moins un accès restauré aux services essentiels, mais aussi à accroître leurs capacités de résilience face à de telles catastrophes qui malheureusement sont amenées à se reproduire.
QUELLES SONT LES CONDITIONS SÉCURITAIRES EN HAÏTI ET EN QUOI ENTRAVENT-ELLES LE TRAVAIL DES ÉQUIPES ?
La sécurité est un enjeu critique alors que le pays est plongé dans une crise sociale majeure. Des gangs mènent des exactions depuis de nombreux mois. En ce moment même des tirs nourris ont lieu dans des quartiers périphériques de Port-au-Prince, et notamment ceux par lesquels passe la route qui mène aux zones impactées par le séisme. On rapporte des maisons incendiées, des kidnappings qui ne cessent pas. On rapporte également des convois humanitaires détournés. Nos équipes d’urgence sont directement exposées à ces risques. Les gangs ont annoncé une trêve pour permettre dans un sens le passage des convois d’aide humanitaire et dans l’autre l’évacuation des blessés vers Port-au-Prince. On ne peut qu’espérer que cette trêve soit réellement mise en œuvre toutefois je suis assez pessimiste et il nous faut imaginer des solutions de contournement de ces zones, en particulier par la mer, pour acheminer l’aide au plus près des populations dans le besoin.
D’UNE INTENSITÉ POURTANT SIMILAIRE, EN QUOI CE SÉISME DIFFÈRE-T-IL DE CELUI QUI A FRAPPÉ HAÏTI EN 2010 ?
Le séisme de 2010 en Haïti avait fait environ 250 000 morts, à ce jour le bilan provisoire du séisme du 14 août est de près de 2200 morts. Bien que les 2 séismes ont été de magnitude assez proche, celui de 2010 a touché l’agglomération urbaine de Port-au-Prince fortement peuplée. Le séisme récent a impacté le Sud-Ouest du pays qui comporte quelques villes secondaires, comme les Cayes et Jérémie, mais la densité de population de cette région est plus faible.
Sur le plan de la réponse d’urgence, une différence de taille est que les centres opérationnels principaux en Haïti, localisés au niveau de la capitale Port-au-Prince, ont été préservés, Centre d’Opération d’Urgence National, Ministère de la Santé, Centre de transfusion sanguine, organisations onusiennes et humanitaires. Les ports et aéroports ont aussi été épargnés, à Port-au-Prince bien sûr mais également dans la péninsule Sud-Ouest, ce qui facilitera les opérations d’assistance humanitaire aux populations.